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Conseil à l’investissement locatif : une nécessité pour éviter les déconvenues

ANIL, extrait d'Habitat Actualité, juillet 2009


Comme les autres aides à la pierre, les incitations fiscales à l’investissement locatif poursuivent un double objectif : susciter une offre nouvelle pour répondre aux besoins, mais aussi soutenir l’activité du bâtiment. Ainsi, en 1986, le dispositif Méhaignerie, présenté comme une mesure conjoncturelle, visait à la fois à pallier le retrait des investisseurs institutionnels pour maintenir une offre locative suffisante et à revigorer la construction neuve, alors en plein marasme. La balance entre les deux objectifs a depuis lors varié selon la période. Dans la situation actuelle de crise immobilière, le soutien de l’activité est évidemment prépondérant.

Si l’impact des aides à l’accession suscite des interrogations récurrentes, relatives à la part de l’effet d’aubaine qu’elles induisent, les incitations fiscales à l’investissement locatif dans le neuf apparaissent presque comme excessivement efficaces, du moins lorsque les conditions imposées aux investisseurs ne sont pas trop contraignantes (en clair lorsque les loyers plafonds sont supérieurs aux loyers du marché). L’attrait d’une économie d’impôt substantielle l’emporte souvent sur toute autre considération : c’est d’ailleurs le principal argument de vente des réseaux de commercialisation, peu diserts, en revanche, sur les qualités des logements proposés, et encore moins sur les risques locatifs. Certains investisseurs achètent ainsi un bien qui ne représente pour eux qu’un produit de défiscalisation, et négligent de s’intéresser à la demande locale, aux charges d’exploitation et à ce que le Crédit Foncier appelle les fondamentaux1, c’est-à-dire «l’emplacement du bien, le quartier dans lequel il se situe, la qualité de la desserte, les infrastructures publiques et commerciales». Nombre d’entre eux, qui résident loin du lieu d’implantation du logement, ne font pas l’effort de se déplacer, certains sans doute ne le verront jamais.

Ces comportements expliquent les dérives, dont les médias se sont abondamment fait l’écho, observées dans de nombreuses villes petites ou moyennes où l’excès d’investissements locatifs s’est traduit par une offre surabondante, un taux élevé de vacance et des déconvenues pour certains investisseurs.

L’investissement locatif dans le neuf a, au sens littéral de l’expression, mauvaise presse, au point que les effets positifs des dispositifs d’incitation sont souvent passés sous silence. Il est pourtant incontestable, comme l’a montré une étude de l’ANIL, que l’apparition d’une offre nouvelle, souvent mieux adaptée que les logements plus anciens à la demande locative, a entraîné une détente des marchés : peut-être faut-il y voir l’une des causes du ralentissement de la hausse des loyers observé en 2008 (cf. infra).

Les dispositifs qui se sont succédés depuis 1986 ont, semble-t-il, eu l’effet recherché puisque l’érosion du parc locatif privé a été enrayée2. Son effectif s’est accru de plus d’un million d’unités en 20 ans, et sa part dans l’ensemble des résidences principales s’est maintenue à plus de 20%. Si l’on admet, comme l’ont fait les gouvernements successifs, qu’une offre locative de ce niveau est nécessaire et qu’un dispositif d’incitation est indispensable pour atteindre cet objectif, doit-on
pour autant considérer comme inéluctables les débordements auxquels il donne lieu ? La réponse est évidemment non.

Comment les empêcher, ou au moins les contenir dans des limites acceptables ?

Il est tentant de stigmatiser les méthodes des réseaux de commercialisation, et il est vrai que certains d’entre eux ne pêchent pas par excès de déontologie. C’est toutefois oublier le rôle qu’ils jouent dans la promotion des dispositifs fiscaux, qui leur doivent dans une large mesure leur succès. En tout état de cause, on voit mal comment on pourrait obtenir des vendeurs qu’ils tempèrent leurs arguments de vente3.

Partant du constat que les marchés des villes petites ou moyennes étaient, du fait de leur étroitesse, les plus vulnérables à l’apparition d’une offre nouvelle incontrôlée, les pouvoirs publics ont récemment limité le bénéfice du dispositif Scellier, qui se substitue au Robien et au Borloo neuf, aux zones A et B, c’est-à-dire aux agglomérations d’une certaine importance où la demande locative est censée être significative. Toutefois, cette limitation ne traite le problème que de façon très partielle, car l’excès d’offre, loin d’être circonscrit à la zone C, concerne également de nombreuses villes classées en zone B2. Qui plus est, la révision du zonage a conduit à reclasser en zone B2 certaines communes appartenant antérieurement à la zone C. L’objectif de relance a donc primé sur celui de répondre de façon plus ciblée à la demande locative.

Le zonage peut être plus ou moins restrictif, mais quel que soit le soin avec lequel il est élaboré, il est forcément grossièrement approximatif. Un zonage pertinent devrait s’appuyer sur une connaissance fine des loyers pratiqués sur les différents marchés, ce qui est très loin d’être le cas. Seul un petit nombre de villes (dont l’agglomération parisienne) bénéficient d’une observation fiable de leur marché locatif. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle un pilotage du dispositif par la fixation de loyers plafonds légèrement inférieurs aux loyers du marché, sans doute souhaitable dans l’idéal, n’est pas envisageable4. Ainsi, tout zonage conduit inévitablement à ouvrir le bénéficie de l’aide à des villes où l’offre est déjà pléthorique et à en exclure d’autres où elle est insuffisante, la balance pouvant pencher de l’un ou l’autre côté selon les intentions des décideurs publics.

Un meilleur ciblage du dispositif passe par l’information des investisseurs. C’est en effet, l’investisseur qui décide d’acquérir un logement dans une localisation et à un prix donnés en vue de sa location. Mais il assimile souvent son investissement à un placement financier et néglige, nous l’avons dit, de s’intéresser aux éléments qui en conditionnent la rentabilité.

Les ADIL, qui dispensent depuis plusieurs années des conseils aux candidats à l’investissement locatif, peuvent témoigner de l’utilité, pour ne pas dire du caractère indispensable de l’information préalable. Le logiciel de simulation mis à leur disposition a principalement pour fonction de structurer l’entretien et de passer en revue les différents facteurs qui influeront sur le rendement : revenu du ménage, prix du bien et frais liés à l’acquisition, financement, revenu locatif, charges liées à la détention et à la gestion, horizon de l’investissement, etc. L’attention du consultant est notamment attirée sur les risques de vacance que peut entraîner la fixation d’un loyer trop élevé et sur la nécessité de se renseigner sur l’état du marché local, la situation et les caractéristiques du logement. Un tableau de trésorerie est établi et commenté par le conseiller : il fait ressortir, année par année, l’éventuelle économie d’impôt, mais aussi et surtout l’excédent ou au contraire le besoin de financement qui résultera de l’investissement. Enfin, le consultant est invité à s’interroger sur l’horizon temporel de l’opération et, dans l’éventualité d’une revente, sur la plus ou moins-value qui peut en résulter.

L’expérience montre que très souvent, les charges n’ont pas fait l’objet d’une évaluation sérieuse et que, lorsque l’investissement projeté se situe loin du domicile du consultant, celui-ci n’a guère d’idée de l’état du marché locatif. Dans ce cas, le conseiller peut se mettre en rapport avec l’ADIL du département d’implantation du logement pour obtenir une première information sur la demande et le niveau du loyer, ce qui ne l’empêche pas de recommander de consulter des agents immobiliers locaux pour affiner ou amodier les hypothèses faites. Il n’est pas rare non plus que l’impôt sur le revenu du consultant soit insuffisant pour lui permettre de bénéficier à plein de l’avantage fiscal.

Grâce à la formation dispensée par l’ANIL et à l’outil de simulation performant et à jour mis à leur disposition, toutes les ADIL proposent ce conseil, qui s’adresse spécifiquement aux personnes n’ayant pas d’expérience préalable de ce type d’opération. L’un de leurs atouts est l’appartenance à un réseau qui couvre la grande majorité du territoire, ce qui permet de donner une information complète et précise aux consultants, quel que soit le lieu où ils envisagent d’investir et y compris dans les départements d’outre-mer. L’objectif est maintenant de faire largement connaître ce service, afin qu’un nombre croissant de candidats à l’investissement locatif puissent en bénéficier. C’est particulièrement nécessaire dans une période où le dispositif d’incitation est très attractif, alors que les rendements locatifs sont faibles et que les prix de l’immobilier sont en baisse : comme tout placement, l'investissement locatif, pour être avisé doit être étudié, mais il est particulièrement important aujourd’hui de le faire avec discernement et en maîtrisant tous les éléments.


Notes

1. L’investissement en immobilier résidentiel neuf, cartographie régionale des risques, Crédit Foncier, juillet 2009.

2. La reprise du locatif privé, François Clanché, Economie et statistique n° 288-289, 1995.

3. On pourrait songer à rendre obligatoire sur les publicités un avertissement du type «Attention ! Investir dans le logement neuf peut être dangereux pour vos finances», analogue à ceux qui figurent sur les paquets de cigarettes, mais ces derniers n’ont pas réellement fait la preuve de leur efficacité.

4. D’autant que les barèmes devraient tenir compte de la taille des logements, puisque le loyer au m² décroît avec la surface du logement. Dans l’agglomération parisienne, le loyer moyen au m² au 1er janvier 2009 était de 12,5 € pour un studio et de 7 € pour un cinq pièces (source OLAP).

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